Édition du mercredi 27 juillet 2016
Fonction publique : le concours ne protège plus des discriminations
« Le rôle de référence joué par le recrutement par concours dans la fonction publique laisse à penser que l’accès à l’emploi public dans son ensemble ne serait pas ou peu exposé au risque de discrimination. C’est une erreur ». Cette accroche résume l'information essentielle du rapport rendu le 12 juillet par Yannick L'Horty, professeur à l'Université de Paris-Est Marne-la-Vallée, suite à une mission qui lui avait été confiée il y a plus d'un an. Ce travail sur les discriminations dans l’accès à l’emploi public avait été décidé lors du Comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté du 6 mars 2015.
Après avoir étudié les concours sur plusieurs années et fait des campagnes de testing sur cinq métiers dans les trois versants de la fonction publique, Yannick L'Horty conclut que pas plus que le secteur privé, le secteur public n'est épargné par les pratiques discriminatoires dans les recrutements.
Le concours ne permet donc pas d'atténuer ces pratiques. Première raison à cela, explique l’auteur, les concours sont devenus une voie minoritaire pour accéder à la fonction publique : sur les 500 000 recrutements chaque année, un sur six seulement se fait par concours. L'autre raison, c'est que la fonction publique n'est pas plus épargnée par les stéréotypes : or ce sont eux qui conduisent à ces discriminations. On est donc loin de l'image du « profil type du discriminateur comme celui d’une personne isolée ouvertement raciste ou sexiste qui œuvrerait de façon consciente pour favoriser la sélection de certains candidats au détriment d’autres ». « Bien au contraire, insiste le professeur : un grand nombre de travaux scientifiques sur les ressorts des comportements discriminatoires indiquent que les discriminateurs sont avant tout victimes de leurs stéréotypes, c’est‐à‐dire de raccourcis cognitifs associant les caractéristiques des candidats à des aptitudes. Ces stéréotypes sont plus ou moins précis, ils sont positifs ou négatifs, ils ne sont ni toujours vrais, ni toujours faux, et surtout, ils opèrent à l’insu du discriminateur. Les stéréotypes accélèrent la prise de décision mais ils introduisent des erreurs de jugement ».
Le résultat, c'est qu'aujourd'hui, dans les hôpitaux publics et la fonction publique territoriale, une candidate au patronyme à consonance française supposée aura l'avantage sur une candidate dont le patronyme est à consonance maghrébine supposée ou encore selon son lieu de résidence. Habiter un quartier relevant de la politique de la ville pénalise. Comme le souligne le ministère de la Fonction publique, dans les exergues du rapport, « les inégalités sociales dans l’accès à l’emploi public se sont développées ». Ainsi, un tiers des agents de la fonction publique d’État sont des enfants de fonctionnaires et cette proportion s’élève à mesure que l’on monte dans la hiérarchie. Les descendants d’immigrés sont sous-représentés. Ils ont 8% de chances en moins d’occuper un emploi public que les natifs.
Ce premier « état des lieux objectif des procédures de recrutement dans la fonction publique (concours, recrutement sans concours, voie contractuelle) », salué par le Premier ministre, ne sera pas le dernier puisqu'il sera désormais biennal. Cela fait partie des décisions détaillées dès le lendemain en conseil des ministres (le 13 juillet) par la ministre de la Fonction publique. Certaines avaient déjà été intégrées au projet de loi Égalité et citoyenneté (extension de l'apprentissage, nouveau contrat d'accès pour les jeunes). D'autres restent à préciser (la généralisation en 2017 dans les formations dispensées aux recruteurs d’un module de lutte contre les préjugés et les stéréotypes).
Télécharger le rapport.
Après avoir étudié les concours sur plusieurs années et fait des campagnes de testing sur cinq métiers dans les trois versants de la fonction publique, Yannick L'Horty conclut que pas plus que le secteur privé, le secteur public n'est épargné par les pratiques discriminatoires dans les recrutements.
Le concours ne permet donc pas d'atténuer ces pratiques. Première raison à cela, explique l’auteur, les concours sont devenus une voie minoritaire pour accéder à la fonction publique : sur les 500 000 recrutements chaque année, un sur six seulement se fait par concours. L'autre raison, c'est que la fonction publique n'est pas plus épargnée par les stéréotypes : or ce sont eux qui conduisent à ces discriminations. On est donc loin de l'image du « profil type du discriminateur comme celui d’une personne isolée ouvertement raciste ou sexiste qui œuvrerait de façon consciente pour favoriser la sélection de certains candidats au détriment d’autres ». « Bien au contraire, insiste le professeur : un grand nombre de travaux scientifiques sur les ressorts des comportements discriminatoires indiquent que les discriminateurs sont avant tout victimes de leurs stéréotypes, c’est‐à‐dire de raccourcis cognitifs associant les caractéristiques des candidats à des aptitudes. Ces stéréotypes sont plus ou moins précis, ils sont positifs ou négatifs, ils ne sont ni toujours vrais, ni toujours faux, et surtout, ils opèrent à l’insu du discriminateur. Les stéréotypes accélèrent la prise de décision mais ils introduisent des erreurs de jugement ».
Le résultat, c'est qu'aujourd'hui, dans les hôpitaux publics et la fonction publique territoriale, une candidate au patronyme à consonance française supposée aura l'avantage sur une candidate dont le patronyme est à consonance maghrébine supposée ou encore selon son lieu de résidence. Habiter un quartier relevant de la politique de la ville pénalise. Comme le souligne le ministère de la Fonction publique, dans les exergues du rapport, « les inégalités sociales dans l’accès à l’emploi public se sont développées ». Ainsi, un tiers des agents de la fonction publique d’État sont des enfants de fonctionnaires et cette proportion s’élève à mesure que l’on monte dans la hiérarchie. Les descendants d’immigrés sont sous-représentés. Ils ont 8% de chances en moins d’occuper un emploi public que les natifs.
Ce premier « état des lieux objectif des procédures de recrutement dans la fonction publique (concours, recrutement sans concours, voie contractuelle) », salué par le Premier ministre, ne sera pas le dernier puisqu'il sera désormais biennal. Cela fait partie des décisions détaillées dès le lendemain en conseil des ministres (le 13 juillet) par la ministre de la Fonction publique. Certaines avaient déjà été intégrées au projet de loi Égalité et citoyenneté (extension de l'apprentissage, nouveau contrat d'accès pour les jeunes). D'autres restent à préciser (la généralisation en 2017 dans les formations dispensées aux recruteurs d’un module de lutte contre les préjugés et les stéréotypes).
E.S.
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